Question concernant les liens entre communs numériques et les GAFAM . Google, un futur commun numérique ?
Serge Abiteboul nous explique que Wikipedia se met au service des utilisateurs, de la communauté. Google, en revanche, sert les intérêts de ceux qui ont investi dans Google, c'est-à-dire le conseil d'administration. La gouvernance est assurée par le Conseil d'Administration. "On peut envisager un idéal où ces outils, dans un pays démocratique, seraient soumis à des règles, comme le Digital Service Act (DSA) 2Le règlement sur les services numériques, aussi appelé législation sur les services numériques (en anglais : Digital Services Act, DSA), est un texte législatif proposé par la Commission européenne et visant à lutter contre la propagation de contenu illicite en ligne. ou le Digital Market Act (DMA)3La législation sur les marchés numériques (en anglais : Digital Markets Act, DMA) est un règlement européen faisant suite à une proposition législative de la Commission européenne soumise au Parlement européen et au Conseil européen le 15 décembre 2020., qui imposent une plus grande transparence. On pourrait exiger qu'ils soient neutres et servent la communauté. Les objectifs de Google devraient être définis par la communauté et non par le Conseil d'Administration de Google. Est-ce un rêve irréalisable ? Si on se place en 2004, le moteur de recherche de Google servait la communauté avec un PageRank non biaisé. Par la suite, ils ont fait davantage de profits. On pourrait imposer des règles pour revenir à cette époque."
François Bancilhon propose de comparer Google Maps et OpenStreetMap (OSM). Avec la communauté OSM, on peut faire quelque chose de différent, voire mieux dans certains cas (par exemple, lors des inondations en Haïti). Il existe de véritables alternatives et de réelles différences.
Pour conclure, selon Serge Abiteboul, il faut imposer des règles qui soient au service de la communauté (DSA, DMA).
Y a-t-il des domaines où il n'y a pas de communs numériques ou des échecs?
Serge précise qu'ils ont étudié des domaines tels que l'éducation et la science. Des domaines ont été suggérés par d'autres personnes, comme la justice. Pour l'agriculture, c'est le contraire, pour eux, il était impossible qu'il n'y ait rien. "Nous avons posé des questions sur ce qui se passe dans l'agriculture, nous avons suivi des pistes. Il aurait fallu une approche plus systématique, mais nous ne l'avons pas fait. Il existe des domaines où il y a des résistances, comme l'éducation. Il y a toujours des luttes et des résistances dans chaque domaine. Il faudrait un véritable travail de fond pour creuser dans chaque domaine."
Quelle est la dynamique des communs ? On a l'impression que c'est un modèle qui a du mal à s'étendre. Pourquoi écrire ce livre maintenant ? Est-ce pour raviver la flamme ? Quel est votre sentiment sur cette dynamique ?
François Bancilhon souligne que les chiffres sont en croissance. "On ne voit pas un commun qui végète ou qui chute. Le côté négatif se présente surtout dans des domaines comme l'agriculture ou l'éducation. Ce qui m'intéresse le plus, c'est l'éducation. Il y a des résistances du privé, mais aussi beaucoup de résistance interne. Ce que nous disent ceux qui sont dans les ressources éducatives libres (REL), c'est qu'il y a quelque chose qui retient les enseignants de partager." Pour lui, la dynamique des communs est beaucoup liée à l'énergie des militants de départ, ça va marcher parce qu'il y a x ou y qui est moteur dans son domaine, qui fait bouger les choses.
Serge Abiteboul est beaucoup plus optimiste. Pour lui, il y a des résistances qui ralentissent, mais il y a un mouvement de fond et il faut regarder les causes de ce mouvement de fond. Premièrement, l'énergie des communs numériques, l'envie de partager et de faire ensemble, on le sent bien, c'est en vogue. Deuxièmement, le côté performance, un logiciel open source est plus performant comme méthode de travail que la méthode fermée propriétaire, chacun dans son coin. Il y a également un problème de sobriété numérique, l'idée de faire des choses plus efficaces car ensemble, cela devient essentiel. Pour lui, le mouvement général va dans cette direction. "Sur le terrain, les gens ont envie de faire, l'État pour la première fois fait des lois pour favoriser les communs, je suis optimiste que cela s'impose. Mais effectivement, il y a des résistances fortes et le "commons washing" qui se développe, des mouvements contraires."