Un des premiers enjeux évoqué par Sébastien Broca est celui de la rémunération du travail. Cette question est restée absente des débats pendant longtemps, voire rejetée. Elle pourrait corrompre les motivations intrinsèques et pervertir le sens de ce travail bénévole. Cette question émerge tardivement dans les années 2010, il est devenu évident que la Silicon Valley captait beaucoup de valeur tout en versant très peu aux "commoners". Des Initiatives apparaissent comme les licences à réciprocité1; le projet par exemple de "Wikipedia Enterprise"2 qui propose un service payant aux grandes entreprises du numérique pour les aider à utiliser les données de Wikipedia, le formatage de données, etc., qui sont utiles pour les entreprises ; émergence de nouveaux communs, de nouvelles plateformes communes qui tentent d'articuler la professionnalisation et les contributions bénévoles, comme le projet TAPAS3. La question de la rémunération et du modèle économique devient centrale. Dans les discours autour des libertés des utilisateurs, nous avons un peu négligé la rémunération des producteurs, ce qui est difficile à réaliser dans le mouvement du logiciel libre.
Le deuxième enjeu concerne la race et le genre. Le mouvement de défense des communs numériques a été influencé par les transformations plus générales de la critique. Historiquement, le commun numérique a été dominé par des hommes blancs diplômés, en particulier dans le logiciel libre. Cette surreprésentation masculine est également visible dans Wikipedia4 (70 à 80% des contributeurs sont des hommes). Il y a aussi des problèmes géographiques, avec une sous-représentation de l'Afrique francophone. Ces inégalités ont été dénoncées et prises en compte. Sébastien évoque des polémiques concernant des figures comme Bauwens ou Stallman, ce dernier a notamment été au centre d'une polémique5 depuis 2019 en raison de propos misogynes et pour avoir défendu une personne accusée de viol.
Enfin, Sébastien Broca conclu en évoquant un dernier enjeu, le coût environnemental du numérique. Longtemps, le mouvement des communs numériques a soutenu l'utopie d'Internet, mais en faisant cela, il a participé à une sorte de déni, n'accordant pas assez d'importance à la matérialité du numérique et à ses impacts environnementaux. Le mouvement technocritique prône une remise en cause de notre dépendance technologique. Il ne s'agit pas seulement de demander un numérique différent, mais aussi de réduire notre utilisation du numérique. On peut se demander jusqu'où l'on doit aller dans l'information et si le mouvement des communs numériques devrait défendre moins de numérique plutôt qu'un numérique différent.
Le numérique était centré sur l'accès, cependant maintenant les questions de gouvernance, de rémunération, d'inégalités et d'environnement sont également importantes.