Revue de littérature #47

Une entrée dans la carrière universitaire toujours plus entravée

Article Le Monde par Soazig Le Nevé, publié le 10 août 2023.

De nombreux jeunes docteurs ne parviendront jamais à obtenir un poste d’enseignant-chercheur titulaire à l’université. En dix ans, le nombre de recrutements a chuté de près de moitié, un paradoxe à l’heure où les départs à la retraite se multiplient.

Un article Le Monde collecte une série de témoignages et de chiffres édifiants sur cette tendance ancienne.

"Chaque printemps, les postes ouverts sont publiés sur Galaxie, une plate-forme du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Pour postuler, les candidats doivent au préalable avoir été « qualifiés » aux fonctions de maître de conférences ou de professeur des universités par le Conseil national des universités, qui certifie la valeur du diplôme de doctorat. Il faut ensuite passer un concours, localement, sur dossier et après audition par un jury. Le grand flou sur les perspectives de carrière académique freine les ambitions d’un nombre grandissant de chercheurs qui doivent attendre l’âge de 34 ans, en moyenne, avant de décrocher leur premier poste, la titularisation n’intervenant réellement qu’un an plus tard."


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Où le classement de Shanghaï mène-t-il l’université française ?

Article Le Monde par Soazig Le Nevé, publié le 14 août 2023.

Le classement de Shanghaï, dont les résultats sont publiés mardi 15 août, a façonné une idée jamais débattue de l’« excellence ». Des universitaires appellent à définir « une vision du monde du savoir » propre au service public qu’est l’enseignement supérieur français.

"En France, en août 2003, la première édition du classement de Shanghaï, qui publie mardi 15 août son édition 2023, a été un coup de tonnerre : ignorant les subtilités administratives hexagonales et la tripartition entre universités, grandes écoles et organismes de recherche, le palmarès n’avait distingué dans son top 50 aucun des fleurons nationaux. Piqués au vif, les gouvernements successifs se sont engouffrés dans la brèche et ont cherché les outils pour se conformer aux standards. En 2010, le président de la République, Nicolas Sarkozy, avait fixé à sa ministre de l’enseignement supérieur, Valérie Pécresse, un objectif précis : placer deux établissements français dans les 20 premiers mondiaux et 10 parmi les 100 premiers du classement de Shanghaï.

Ces grandes manœuvres ont été orchestrées sans qu’une question fondamentale soit jamais posée : quelle est la vision du monde de l’enseignement supérieur et de la recherche que véhicule le classement de Shanghaï ? Lorsqu’il a été conçu, à la demande du gouvernement chinois, le palmarès n’avait qu’un objectif : accélérer la modernisation des universités du pays en y calquant les caractéristiques des grandes universités nord-américaines de l’Ivy League, Harvard en tête. On est donc très loin du modèle français, où, selon le code de l’éducation, l’université participe d’un service public de l’enseignement supérieur.

Pour la philosophe Fabienne Brugère, la France continue, comme la Chine, de « rêver aux grandes universités américaines sans être capable d’inventer un modèle français avec une vision du savoir et la perspective d’un bonheur public »« N’est-il pas temps de donner une vision de l’université ?, s’interroge-t-elle dans la revue Esprit (« Quelle université voulons-nous ? », juillet-août 2023). J’aimerais proposer un regard décalé sur l’université, laisser de côté la question des alliances, des regroupements et des moyens, pour poser une condition de sa gouvernance : une vision du monde du savoir. » Ironie du sort, c’est justement l’argent qui « coule à flots » qui garantit dans ces établissements de l’hyperélite des qualités d’étude et de bon encadrement ainsi qu’une administration efficace… Autant de missions que le service public de l’université française peine tant à remplir. « La scholè, le regard scolastique, cette disposition à l’étude, ce temps privilégié et déconnecté où l’on apprend n’est possible que parce que la grande machine capitaliste la fait tenir », déplore Mme Brugère.

En imposant arbitrairement ses critères – fondés essentiellement sur le nombre de publications scientifiques en langue anglaise, de prix Nobel et de médailles Fields –, le classement de Shanghaï a défini, hors de tout débat démocratique, une vision normative de ce qu’est une « bonne » université. La recherche qui y est conduite doit être efficace économiquement et permettre un retour sur investissement. « Il ne peut donc y avoir ni usagers ni service public, ce qui constitue un déni de réalité, en tout cas pour le cas français », relevait le sociologue Fabien Eloire dans un article consacré au palmarès - lien externe, en 2010. Est-il « vraiment raisonnable et sérieux de chercher à modifier en profondeur le système universitaire français pour que quelques universités d’élite soient en mesure de monter dans ce classement ? », questionnait le professeur à l’université de Lille.

Derrière cet effacement des spécificités nationales, « une nouvelle rhétorique institutionnelle » s’est mise en place autour de l’« économie de la connaissance »« On ne parle plus de “l’acquisition du savoir”, trop marquée par une certaine gratuité, mais de “l’acquisition de compétences”efficaces, directement orientées, adaptativesplus en phase avec le discours économique et managérial », concluait le chercheur."

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Le classement 2023 - lien externe

Développer les communs numériques - Entretien avec Alexis Kauffmann, chef de projet à la DNE

Article Class Code, rédigé par Marine Albrun, publié le 5 mai 2023

Chef de projet logiciels et ressources éducatives libres et mixité dans les filières du numérique au sein de la DNE (Direction du Numérique pour l’Éducation), Alexis Kauffmann - lien externe milite depuis toujours pour favoriser une éducation libre et ouverte. Dans cet entretien exclusif, il parle de ses convictions et la politique du Ministère de l’Éducation Nationale en faveur des communs numériques.

"Mon rôle majeur consiste à animer l’écosystème des enseignants et des communautés d’enseignants autour de la création et du partage de communs numériques. Cette notion, si elle est récente, fait désormais partie de l’agenda politique, puisqu’elle est l’un des axes de la stratégie numérique pour l’éducation à laquelle j’ai eu la chance de participer. Il s’agit en premier lieu de favoriser l’usage de logiciels libres au sein de l’éducation nationale, afin d’améliorer les apprentissages et d’instaurer une souveraineté dans les usages numériques. Nous incitons également les enseignants qui souhaitent partager des ressources à choisir des licences Creative Commons. Culturellement, il y a là quelque chose d’intéressant : on passe d’une gouvernance descendante du Ministère à une certaine horizontalité, en prenant davantage en compte les besoins des enseignants et des élèves."

Alexis Kauffmann revient sur la première première édition de la Journée du Libre Éducatif en avril dernier. "Cet événement se donne d’abord pour objectif d’acculturer un territoire sur la question des communs numériques. Le deuxième objectif, c'est de repérer et de valoriser des projets libres, qu'il s'agisse de logiciels ou de ressources éducatives. Nous avons ainsi présenté 35 projets lors de la deuxième édition à Rennes le 7 avril dernier. Ils illustrent les talents multiformes des enseignants et communautés d'enseignants pour qui l'ouverture et le partage sont parties intégrantes de leur projet. Le dernier objectif est de donner envie de participer, car l'enthousiasme des porteuses et porteurs de projets est communicatif."

Alexis Kauffmann évoque aussi le projet de forge Nationale. "C'est un projet qui figure parmi les objectifs de notre Stratégie du numérique pour l'éducation 2023-2027 dans son volet « Soutenir le développement des communs numériques » et qui vise à offrir aux enseignants (puis plus tard aux élèves) un espace de dépôt et de partage de ressources libres, qu'il s'agisse de logiciels, mais aussi de contenus pédagogiques. L'idée de départ est de mutualiser le code des logiciels libres créés par nos enseignants. Nous sommes près d'un million d'enseignants en France et parmi eux, il y a des développeuses et des développeurs de talent qui proposent des applications utiles à la communauté scolaire. Avant la forge, le code de ces applications était soit éparpillé, rendant difficile leur identification et valorisation, soit centralisé sur des services comme GitHub qui appartient à Microsoft et dont les données sont sur des serveurs américains. Désormais, nous leur proposons un serveur souverain et respectueux des données personnelles, reposant sur le logiciel libre GitLab, permettant en plus aux différents projets de mieux se connaître et collaborer."

Enfin Alexis Kaufmann revient sur les freins majeurs à l’utilisation des logiciels libres et à la diffusion des ressources éducatives libres. Selon lui, "le premier frein reste la méconnaissance des communs numériques et de leur pertinence en éducation. C'est pour cela que nous devons poursuivre notre travail de sensibilisation et formation.Quand on comprend la différence non pas de degrés, mais de nature entre les suites bureautiques LibreOffice et Microsoft Office, entre les navigateurs Firefox et Google Chrome, entre les systèmes d'exploitation Linux et Windows, on est plus enclin à adopter les premiers cités parce qu'ils sont, selon moi, conformes et adhérents à nos propres valeurs dans l'éducation. Une adoption, et ça n'est pas facile, qui demande souvent de changer d'habitudes, car on a la plupart du temps découvert l'informatique sur des outils non libres. Après, il faut aussi que les logiciels libres soient au rendez-vous de la qualité pour ne pas que l'expérience utilisateur apparaisse comme dégradée par rapport à l'équivalent propriétaire, sinon, même avec la meilleure volonté du monde, la greffe ne prendra pas. Concernant les ressources éducatives libres, il y a d’autres freins qui entrent en jeu. Je crois d’abord que l'éducation reste une pratique par trop individuelle. La culture du partage et du faire ensemble est encore à développer, en formation ou au sein d’un établissement scolaire, sachant que l'institution attend avant tout des enseignants les heures seules passées dans leurs classes devant leurs élèves. De plus, le partage n’est pas forcément encore bien reconnu dans une carrière auquel vient s'ajouter parfois la crainte d'être jugé par la hiérarchie. Il reste beaucoup à faire pour reconnaître et valoriser les enseignants qui créent et partagent des communs numériques."

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La BBC lance une instance expérimentale de Mastodon

Article de NextImpact, publié le 2 août 2023

Le groupe audiovisuel public va essayer Mastodon pendant six mois et met en place, pour cela, sa propre instance : social.bbc - lien externe explique le journal The Verge - lien externe. Le service Recherche et Développement de la BBC a lancé cette expérimentation pour « examiner la valeur ajoutée qu'elle peut apporter » et « la quantité de travail nécessaire pour la maintenir ». Cela ne change, pour l'instant, pas l'activité du groupe sur les autres réseaux sociaux : « La BBC poursuivra son activité normale sur les médias sociaux aux endroits habituels. »

Dans un billet de blog - lien externe, l'équipe de Recherche et Développement de BBC explique que « les principes de Fediverse, qui mettent l'accent sur le contrôle local, la qualité du contenu et la valeur sociale, sont bien plus en phase avec nos objectifs publics que ceux de réseaux ouvertement commerciaux tels que Threads ou Twitter. D'autres organisations de service public et à but non lucratif y sont déjà présentes, qu'il s'agisse du gouvernement néerlandais, de Wikimedia ou de l'Union européenne. »

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