Revue de littérature #37

Hôtel du Nord à Marseille : un modèle à part.

Article Voyages Responsable par TourMag, rédigé par Juliette Pic le Mercredi 19 Avril 2023

Comment proposer des prestations de tourisme de manière professionnelle sans en faire son activité principale ? C’est le défi qu’ont relevé les Oiseaux de passage, ouvrant la voie à de nouvelles formes de tourisme.

"Faire de l’hospitalité sans être hôtelier, faire des séjours sans être agence de voyage, accueillir les voyageurs qui ne sont pas tous touristes… C’est un peu tout ça, Hôtel du Nord et sa plateforme les Oiseaux de Passage. Installée dans les quartiers nord de Marseille depuis 2011, la coopérative Hôtel du Nord rassemble des habitants autour de la notion d’accueil de voyageur. 

Voyageurs, c’est une notion large qui regroupe tous ceux qui vont et qui viennent. Ils peuvent être touristes, certes, mais aussi étudiants, travailleurs en déplacement, saisonnier, accompagnant ou soutien de famille… Tous sont un peu des touristes. Ils ont, tous, envie de profiter de leur séjour pour visiter les lieux, connaître le patrimoine, peut-être aller au musée, au restaurant, et faire des photos pour Instagram. La rencontre avec les habitants pour changer de regard, mais aussi la rencontre avec les autres voyageurs. Des réfugiés de la rue d’Aubagne croisent des touristes, qui croisent des salariés, qui croisent des migrants, qui croisent des gens de passage... Peu à peu, ce grand mélange entre touristes, travailleurs, aidants et habitants a pris forme.

Les oiseaux de passage, une plateforme alternative

Hôtel du Nord trouve d’autres coopératives, plutôt proche de l’agritourisme, qui n’entrent pas non plus dans les cases des structures du tourisme et ensemble, elles ont créé une plateforme différente, avec des critères basés sur le ressenti humain : Les Oiseaux de Passage. - lien externe Pour Prosper Wanner, cofondateur des lieux, quand on passe par Hôtel du Nord, « On s’adresse à une personne, il n’y a pas d’intermédiaire. C’est aussi pour ça qu’on a créé une plateforme à nous, parce qu’on privilégie le rapport direct, qu’on refuse les critères de descriptions figés, avec des prix uniques et des cases dans lesquelles on ne rentre pas ». Pour choisir son séjour, on passe par un livre d’or, des sons, des anecdotes. Les prix sont évolutifs, selon les moyens de chacun. Ce sont des gîtes et des chambres d’hôtes, dans les collines, sur les hauteurs de Marseille, avec vue mer, jardin abrité ou cour intérieure. Ils ne sont pas des professionnels du tourisme et ne veulent pas l’être. Ce sont des habitantes et des habitants qui s’organisent collectivement pour accueillir, individuellement, des visiteurs.

Hôtel du Nord, « une communauté d'hospitalité »

La société change et avec elle, l’entreprise. Si Les oiseaux de passage et Hôtels du Nord sont des SCIC, ça n’est pas un détail, surtout dans un secteur comme le tourisme où la notion de responsabilité est centrale. Hôtel du Nord se définit comme une communauté d’hospitalité. « S’il n’y a pas de place chez l’un, il renvoie chez l’autre, raconte Prosper Wanner. Parfois, les visiteurs se répartissent entre les maisons, c’est un fonctionnement qui peut étonner, et dans lequel il n’y a pas une figure qui serait responsable pour tous ». Dans une SCIC, c’est l’horizontalité qui régit tout. Il n’y a pas une hiérarchie formelle, même si elle existe de fait. L’entreprise appartient à tous, dans une stricte égalité, sur le principe « un homme = une voix ». Un statut tout ce qu’il y a de plus banal dans l’économie sociale et solidaire (ESS) mais beaucoup plus rare dans le tourisme. Et surtout, un statut qui n’a pas été prévu par la loi. Ce qui s’est avéré compliqué en 2011, quand la coopérative a voulu proposer des balades urbaines, pour faire découvrir la ville, son patrimoine, et participer à l’économie des quartiers.

Le statut de coopérative, incompatible avec celui de structure touristique ?

Mais dès lors qu’on propose une nuitée et une balade, ça devient un forfait. Il faut donc être immatriculé pour facturer ou passer par une agence. « C’était quelque chose de lourd à l’époque : on basculait comme entreprise du tourisme alors que ça n’était pas notre activité principale » explique Prosper Wanner. « Le code du tourisme relève du code de la consommation, ajoute-t-il : le touriste achète une prestation, il a besoin de garanties pour être protégé, de personnel qualifié, d’un fond de garanti, d’assurance ». Hôtel du Nord explique son cas au ministère des Finances : il n’y a pas intermédiaire, nous sommes une coopérative, les membres sont tous solidaires. Celui-ci lui accorde le droit d’exercer avant de se rétracter devant Atout France, Opérateur national du tourisme, qui refuse, sans immatriculation.

Atout France refuse de laisser la SCIC exercer une activité de tourisme. Devant l’impasse, Hôtel du Nord fait un recours administratif pour contester l’interprétation d’Atout France. Elle se tourne cette fois vers Benoît Hamon. Nous sommes en 2013 et il est ministre délégué à l'Économie sociale et solidaire et à la Consommation ; Prosper Wanner publie une lettre ouverte. Un pied dans l’ESS et un autre dans le commerce, le ministre comprend à la fois le caractère coopératif de la SCIC, et les impératifs du secteur du tourisme. Et, après consultation de la Fédération des coopératives de consommateurs (dont dépendait Hôtel du Nord à l’époque), il pointe un texte de loi autour du service à la personne et qui donnait le droit à un regroupement de se retrouver autour d’une «société de personne». Le texte, faisant jurisprudence, confirme qu’Hôtel du Nord n’a pas besoin d’être agréé si la SCIC vend des activités proposées par ses membres. 

Une jurisprudence pour repenser le tourisme ?

Forte de cette victoire, la coopérative Hôtel du Nord ne s’est pas arrêtée là. S’estimant victime de distorsion de la concurrence, elle demande au fisc de lui accorder les mêmes règles sur la TVA que celles qui s’appliquent aux agences de voyages. Retour positif, avec ou sans immatriculation. 10 ans plus tard, Hôtel du Nord vend une demi-douzaine de séjours par an, à des voyageurs de passage, à des écoles du paysage pour se former, à des groupes, qui peuvent se retrouver dans un lieu unique grâce aux Oiseaux de Passage, dont font partie de plus grosses structures. « Bien sûr, on ne peut pas vendre une sortie au Mucem mais ça n’est pas ce qu’on fait : nous voulons justement sortir de ces clichés-là et faire découvrir d’autres choses » assure Prosper Wanner, pour qui cette victoire, arrivée fin 2013 après 3 ans de bataille judiciaire, peut servir à d’autres. C’est le cas du réseau Accueil Paysan - lien externe : un même réseau, différents lieux d’accueil et une obligation d’immatriculation pour facturer quand un voyageur passe d’un lieu d’accueil à un autre. C’est aussi le cas de l’écomusée Okhra - lien externequi accueille chaque année 35 000 visiteurs dans l’ancienne usine d’ocre de Roussillon. Une jurisprudence qui pourrait s’appliquer jusque dans les Parc Naturel Régionaux, s’ils souhaitaient créer des communautés d’habitants."

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Ressources - Le guide de la redirection écologique des entreprises - CRESS Nouvelle-Aquitaine

Ce guide a été élaboré par le CRESS - lien externe, la Chambre Régionale de l'Economie Sociale et Solidaire Nouvelle-Aquitaine, pour accompagner la redirection écologique des entreprises, à destination de toutes les entreprises, qu’elles relèvent de l’ESS ou non. Partant du constat de la nécessaire évolution de notre système économique pour le replacer dans les limites planétaires, ce guide s’appuie sur le cadre posé par la redirection écologique qui vise la transformation des entreprises et non plus uniquement leur “transition” et leur “responsabilité”. Il questionne les vulnérabilités et dépendances des entreprises aux ressources (énergie et matières premières) et aux processus non pérennes dans la perspective du respect des limites planétaires.

Le CRESS Nouvelle Aquitaine propose 9 angles d’attaque en donnant de premières clés méthodologiques :

  1. Energie et climat
  2. Faire ensemble
  3. Autonomie et solidarité
  4. Mobilité et transport
  5. Transversalité numérique
  6. Ressources et communs
  7. Agriculture et alimentation
  8. Bâtiment et industrie
  9. Stratégie et financement

Le point 6 Ressources et communs a pour objectif d'"analyser et rationnaliser nos besoins en ressources renouvelables et non renouvelables, apprendre à gérer collectivement des communs "positifs" et "négatifs"."

Une définition des communs avec une catégorisation est indiquée, la question de l'intérêt pour une entreprise de se questionner sur les ressources et communs qui l'entourent est également posée. Des ressources sont proposées pour aller plus loin.

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Pourquoi l'entreprise du futur va devoir se "dé-digitaliser" ?

Tribune Usbek & Rica, rédigé par Marine Gorski, le 31 mars 2023

Les entreprises visent une expansion digitale sans limite alors que les ressources matérielles sont contraintes. Et si le véritable enjeu industriel devenait d’apprendre à rationaliser la digitalisation ? C’est ce que suggère dans cette tribune Marine Gorski, lectrice d’Usbek & Rica et consultante en transformation digitale.

"Depuis plus d’une décennie, il est un mantra indiscuté dans le monde de l’entreprise : la transformation digitale. Numeum, le syndicat professionnel de l’écosystème numérique en France, a confirmé une croissance du secteur de 7,5 % en 2022 et projeté une croissance de 5,9 % en 2023. « Les entreprises qui ne suivent pas le rythme de la transformation digitale sont vouées à disparaitre » affirmait l’ESSEC, grande école de commerce spécialisée dans le management, lors d’un webinaire sur la transformation diffusé en ce début d’année.  

Prenons l’hypothèse au sérieux. Ancrons-la dans le réel. Nécessairement matériel, ce réel, car le digital n’a rien de dématérialisé ou de virtuel. Il dépend en grande partie de l’extraction de minerais. Indépendamment d’une hypothétique disponibilité géologique – nous découvrions peut-être de nouveaux gisements ou des techniques pour creuser plus loin et dans des lieux moins accessibles – il faut tenir compte des risques économiques, sociaux et de gouvernance (ESG). Les contestations sociales liées à la dégradation des lieux de vie et de la biodiversité, les tensions géopolitiques autour de l’exploitation des sols et des ressources naturelles, les régulations environnementales, les politiques publiques et de protection des habitats limitent en réalité la quantité de composants exploitables par les industries.

Réduire pour se maintenir

La question de la sobriété n’est désormais plus la conviction de quelques initiés. C’est devenu un enjeu stratégique incontournable au cœur de la survie des industries. Dans ce futur contraint par la disponibilité limitée des minerais, un mouvement vers la frugalité digitale semble s’imposer. Celle-ci vise à réduire le nombre d’appareils digitaux produits et à allonger au maximum leur durée de vie ainsi qu’à promouvoir une utilisation peu consommatrice d’énergie et de ressources. Une première option de frugalité dans les entreprises, désignée par l’acronyme « BYOD » (Bring Your Own Device) consiste à ce que chacun apporte son équipement digital personnel au travail. Mais la mesure n’est pas sans contraintes. Le matériel personnel ne comporte pas toujours les qualités suffisantes pour supporter les logiciels de l’entreprise et le volume de données à stocker. Le recours massif au cloud permet de contourner cette problématique. Toutefois, la frontière ténue entre contenus et usages personnels d’une part et professionnels d’autres part constitue un risque accru pour les deux parties tant sur le plan du droit que sur celui de la cyber-sécurité.

Inventer la dé-digitalisation

Et si au lieu d’un arsenal permettant la connectivité partout, tout le temps, celle-ci devait se réduire à un temps limité dans un lieu dédié ? Comme les ouvriers se relayent pour intervenir sur la même chaine de production, les cadres pourront se relayer pour utiliser le même ordinateur ou la même tablette. Ce scénario est audacieux car il remettrait en question toute l’organisation des entreprises et le rapport individualisé à la performance plébiscité par les organisations modernes.  Pour éviter des temps morts de productivité, les entreprises devront envisager une hybridation de leur processus digitaux avec la low-tech. La low-tech est issue d’un raisonnement techno-critique qui considère que les développements technologiques ne sont pas neutres et qu’ils résultent de choix économiques et de société. Serait-il envisageable que les plans techniques ou les Power Points soient maquettés manuellement avant de passer en digitalisation et contrôlés via des outils digitaux dédiés ? Se pourrait-il que ce nouveau rapport à l’outil soit une opportunité pour le travailleur de se sentir à nouveau maitre de son travail, lui redonnant le sens tant questionné ces derniers mois ? 

Innover sans digital

Au cours de cette hybridation, c’est aussi le rapport au digital et au monde qui, d’une manière ou d’une autre se transformera. Depuis la nuit des temps, les artefacts produits par les hommes reflètent des processus psychologiques et culturels que sous-tendent leur production et leur utilisation. Les supports numériques influencent nos manières de produire, de penser, de travailler et d’échanger. Leur recul, même partiel, aura inéluctablement son lot d’incidences comme la baisse des stimulations offertes par les médias digitaux, la diminution de l’information disponible ou le ralentissement des processus. Pour faire face à ces changements profonds, les entreprises et les hommes et femmes qui la font chaque jour, de l’ouvrier, au dirigeant en passant par l’ingénieur et l’investisseur devront être créatifs et pugnaces pour réinventer son rôle dans la société et son mode de fonctionnement."

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Podcast : Les Laboratoires de la transition

Quelles sont les pistes des laboratoires de recherche pour réduire leur empreinte carbone ?
Un podcast qui va à la rencontre des pionniers de la réduction des gaz à effet de serre, réalisé par Anne Roy pour AEF info en partenariat avec le collectif Labos 1point5 - lien externe.

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Impact environnemental du numérique en 2030 et 2050 : l'Ademe et l'Arcep publient une évaluation prospective

L’ADEME et l’Arcep ont remis le 6 mars à Bruno Lemaire, ministre de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et Numérique, Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Agnès Pannier Runacher, ministre de la Transition énergétique et Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications, les résultats de leur étude prospective sur l’empreinte environnementale du numérique en France à l’horizon 2030 et 2050.

L’étude montre que, sans action pour limiter la croissance de l’impact environnemental du numérique, l’empreinte carbone du numérique pourrait tripler entre 2020 et 2050. Elle identifie les leviers d’action à engager et amplifier dès aujourd’hui pour un développement des usages numériques plus sobre en carbone et en ressources.

Pour réduire l’impact environnemental du numérique dès 2030, des leviers d’action sont identifiés. L’étude met en évidence qu’un des enjeux environnementaux majeurs du numérique, outre son empreinte carbone, est la disponibilité des métaux stratégiques et autres ressources utilisées pour la fabrication des terminaux (principalement téléviseurs, ordinateurs, box internet et smartphones mais aussi objets connectés dont l’impact est grandissant).

Un des leviers d’action est la mise en œuvre de politiques de « sobriété numérique », qui commencent par une interrogation sur l’ampleur du développement de nouveaux produits ou services numériques et une réduction ou stabilisation du nombre d’équipements. L’allongement de la durée de vie des terminaux, en développant davantage le reconditionnement et la réparation des équipements est un axe majeur de travail, tout comme la sensibilisation des consommateurs à ces enjeux.

De la même manière, afin d’améliorer notamment l’efficacité énergétique, l’écoconception doit être systématisée : pour les terminaux, mais aussi pour l’ensemble des équipements (infrastructures de réseaux et centres de données), ainsi que dans le cadre des modalités de déploiement des réseaux et services numériques.

La mise en œuvre de l’ensemble de ces leviers permettrait de réduire l’empreinte environnementale du numérique d’ici à 2030 : jusqu’à -16% pour l’empreinte carbone par rapport à 2020.  

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L'étude prospective 2030-2050 - lien externe