Tribune collective de directeurs d'instituts hospitalo-universitaires - Le Monde, publié le 31 mars 2023, réservé aux abonnés.
Quelques extraits :
Que ce soit dans le soin ou dans la recherche, et qu’il le veuille ou non, le monde biomédical est aujourd’hui immergé dans le domaine des données massives de santé et leur exploitation par l’intelligence artificielle (IA). Il ne s’agit pas uniquement de l’accès à plus d’informations ou à des outils d’aide au diagnostic plus performants, mais d’une véritable révolution des pratiques médicales et de recherche.
Une nouvelle génération d’algorithmes d’IA va permettre d’aller au-delà de l’interprétation par le praticien – des images radiologiques, des coupes d’histologie, des ondes d’électrocardiogramme –, pour les relier à de nouveaux schémas physiopathologiques, jusqu’à la création de jumeaux numériques.
Se pose alors la question de la nature de l’actif créé, du partage des bénéfices, de la propriété intellectuelle. Qui a découvert quoi ? Ceux qui génèrent les données ? Les créateurs d’algorithmes ? Le médecin chercheur ? Les patients eux-mêmes ? Et quel mode de remboursement pour les algorithmes d’IA utilisés dans la prévention et le soin ?
Il y a urgence. C’est une compétition mondiale, scientifique et économique effrénée, un enjeu de souveraineté nationale dans lequel notre système solidaire de financement de la santé peut trouver une justification plus vertueuse encore, chacun contribuant pour chacun.
Les données de santé, un « bien commun »
Un colloque sur ces sujets s’est tenu en février au Conseil d’Etat, réunissant magistrats, qui concourent à la définition et à l’application du cadre juridique, régulateurs, qui accompagnent et encadrent les utilisateurs de la donnée, et acteurs opérationnels, instituts hospitalo-universitaires (IHU) et industriels.
La France doit aujourd’hui franchir un cap, en élargissant radicalement son schéma de pensée au regard du champ des possibles offert par les progrès de l’IA pour exploiter les données de santé, et permettre aux acteurs d’excellence dont elle dispose d’exploiter leurs pleines capacités.
La bonne nouvelle, c’est que, à droit constant, en respectant le Règlement général européen sur la protection des données personnelles et le cadre propre à la recherche en santé, il est possible de faire évoluer rapidement les choses. Il s’agirait ici de considérer les données de santé comme un « bien commun » pour la recherche, passant du paradigme du collecteur de données de santé « propriétaire » à celui du « garant du bon usage » de ces données à des fins de recherche. En parallèle, il faut soutenir le développement de solutions techniques globales favorisant la qualité de collecte des données et leur partage.
Les IHU sont probablement une partie de la réponse.
Créés il y a dix ans dans le cadre du premier Programme d’investissements d’avenir (PIA), leur mission est d’accélérer la recherche translationnelle, de décloisonner les disciplines et de créer des ponts entre acteurs publics et privés. Les IHU, parfaitement insérés dans le paysage de la recherche biomédicale, sont fondés sur un partenariat public-privé associant au sein de fondations privées, de coopération scientifique ou reconnues d’utilité publique, les établissements publics à caractère scientifique et technologique, les universités, les hôpitaux, mais aussi des acteurs non institutionnels et des associations de patients.
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