Alternatives économiques - Article publié le 24 mars
Vendredi 24 mars, 140 économistes, dont Michaël Zemmour, Dominique Méda, Philippe Askenazy ou André Orléan, ont appelé à ne pas promulguer la loi sur les retraites et à ouvrir des assises nationales du travail et de l’emploi en vue de la transition écologique. Trois jours plus tard, leur nombre a doublé.
"Monsieur le président de la République, la fracture sociale et démocratique est à son comble et ce à propos d’une réforme des retraites qu’aucune urgence économique n’impose. Nous savons, comme vous, qu’il faut équilibrer, période après période, les comptes de la protection sociale et qu’il existe plusieurs moyens d’y parvenir. Ils ont tous des avantages et des défauts. Cela suppose de soupeser collectivement les uns et les autres dans un processus ouvert de discussion, qui prenne en compte non pas seulement la dimension comptable mais aussi les dimensions écologiques, sociales, économiques des mesures possibles.
Ce n’est pas « simple » et c’est un espace où les possibles sont ouverts – tou-te-s les économistes s’accordent sur ce point. Ouvrir des discussions est donc aujourd’hui indispensable. Indispensable pour apaiser le corps social et renouer les fils, ténus, de la démocratie sociale. Indispensable pour redonner à la représentation démocratique citoyenne, issue des urnes, une capacité d’action – qui ne peut plus passer par des astuces constitutionnelles qui ne convainquent personne. Indispensable parce que les ennemis de la démocratie et du bien commun sont nombreux à l’extrême droite, et attendent leur heure en voyant ainsi se déliter ce à quoi nous tenons tou-te-s. Ouvrir des discussions ne serait pas une reculade mais une respiration nécessaire. Suspendre un texte qui met le feu aux poudres est un acte courageux et qui ne revient pas à nier les problèmes mais à les voir.
Ouvrir des discussions serait une avancée si, comme il apparaît de plus en plus, les questions à débattre ne se cantonnaient plus à un « petit » point de vue comptable (petit au regard des autres questions – y compris économique et comptable – auxquelles nous sommes confronté-e-s) et embrassaient plus généralement la question du travail et de l’emploi à l’heure de l’anthropocène et de la nécessaire transition écologique. Travailler plus ? Travailler moins ? Travailler mieux ? Travailler autrement ? Repenser les protections sociales ? Repenser les formations ? Repenser la question de la répartition et de la redistribution, entre les salarié-e-s, d’une part, mais aussi entre les salarié-e-s et les actionnaires ? Les questions et défis sont très nombreux.
Nous, économistes et socioéconomistes, appelons à suspendre immédiatement le processus de promulgation du Projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 et à ouvrir dans la foulée des Assises nationales du travail, de l’emploi en vue de la transition écologique organisées de manière paritaire avec toutes les parties prenantes qui permettront de refonder notre contrat social pour les années à venir. "
Lire l'article - lien externe