Alex Bourreau - lien externe, fondateur de la fabrique de mobilités - lien externe a préparé une petite synthèse illustrée d'exemples parlants sur les modèles de transport et leur utilité ? Il met en avant l'intérêt d'un outil ouvert pour créer ces modèles de données importants pour accompagner la transition des mobilités : Aequilibrae - lien externe, porté par une communauté internationale d'experts. Le défi 2023 : améliorer la modélisation des transports en commun, et en faire un outil de démocratisation et de concertation pour les politiques de mobilité.
Des modèles de transport open source
Conférence "Mode de vie : fin de l'abondance, début du bonheur ?"
Mode de vie : fin de l'abondance, début du bonheur ?
Transcription
Conférence à Cap Sciences à Bordeaux le 16 mars 2023 avec : -Timothée Parrique, chercheur en économie écologique à l’Université de Lund en Suède. Spécialiste de la décroissance, il est l’auteur de Ralentir ou périr, l’économie de la décroissance (Ed. Seuil 2022), un livre basé sur sa thèse de doctorat, The political economy of degrowth (2019). -Fleur Bertrand Montembault, porte-parole de la Maison commune de la décroissance, elle est également co-autrice de l’ouvrage La décroissance et ses déclinaisons. Pour sortir des généralités et des clichés (Ed. Utopia 2022) En partenariat avec Curieux ! et la Librairie Mollat.
La sobriété énergétique, tellement plus qu’une collection d’écogestes !
Extraits de l'article de The Conversation, publié le 16 mars 2023, par Violeta Ramirez - lien externe , Anthropologue, chercheure postdoctoral sur la transition et la sobriété énergétiques, Université Savoie Mont Blanc.
"Si la notion de « sobriété énergétique » était encore récemment réservée aux prospectivistes, aux bureaux d’étude et conseil, et aux chercheurs et partisans de la décroissance, ce terme est aujourd’hui utilisé partout. La vitesse à laquelle la notion s’est vulgarisée et banalisée ne laisse de surprendre ceux qui travaillent depuis des années sur la question. Si la diffusion du terme et des recommandations à la frugalité et l’anti-gaspillage sont antérieurs, le grand « décollage » de la sobriété énergétique a eu lieu très récemment, en 2022, suite au déclenchement de la guerre en Ukraine.
Régulation de la consommation d’énergie et innovation technique
En France, le gouvernement d’Élisabeth Borne a annoncé en octobre 2022 son plan de sobriété énergétique, demandant aux Français de réduire leur consommation d’énergie pour éviter au gouvernement d’imposer des mesures de rationnement et des coupures électriques. Dans les communiqués officiels, la sobriété énergétique fait désormais référence à un ensemble de technologies de fabrication et de gestes du quotidien tels que la réduction de la consommation électrique individuelle et publique, la limitation du chauffage et de l'autosolisme, la rénovation thermique des bâtiments, l'équipement en technologies plus efficaces (thermostats intelligents, ampoules LED)...On rassemble ainsi dans cette définition de la sobriété énergétique des solutions relevant tantôt du changement de comportement des consommateurs, tantôt de l’innovation technique des industriels permettant de maintenir le même niveau de confort avec une moindre consommation d’énergie.
Écarter les dimensions transformatrices
Si la diffusion de la notion au-delà du cercle d’experts est une bonne chose, son acception institutionnalisée pose de nombreuses questions. Premièrement, la confusion, volontairement entretenue par le gouvernement entre « sobriété » et « efficacité » énergétiques, lui permet de faire cohabiter de manière fallacieuse, dans un seul et même discours, des orientations opposées : la sobriété et la croissance. Deuxièmement, l’utilisation de cette notion à fort potentiel contestataire, pour faire référence à une somme de gestes – présentés comme provisoires et relevant en partie de l’innovation technique –, permet d’éviter la remise en question de la trajectoire de la société contemporaine et ses conséquences dévastatrices pour l’habitabilité de la planète. On le comprend, l’enjeu majeur de cette institutionnalisation réside dans la dépossession des catégories pouvant nommer et aider à construire des alternatives sociales.
Sobriété énergétique : de quoi parle-t-on exactement ?
En tant que modération ou autolimitation des besoins et des désirs, la sobriété est une vertu reconnue dans les civilisations anciennes – Aristote fait ainsi l’éloge de la modération en tant que pratique de la juste mesure –, ayant intégré de nombreuses philosophies, religions et systèmes de croyances. Dès le XVIIIe siècle, l’avènement du capitalisme industriel s’accompagne de multiples formes de dissidence à l’égard de la société productiviste, qui contestent l’objectif de croissance et réclament une modération de la production et de la consommation. Des mouvements sociaux, toujours marginalisés, se sont opposés au règne de la machine (à l’image des briseurs de machines), à l’augmentation de la productivité et à la séparation du travailleur et du consommateur. D’autres ont opté pour prendre leurs distances par rapport à l’économie industrielle et expérimenter un mode de vie à contre-courant où les besoins reconnus se limitent au « nécessaire de vie », selon l’expression du philosophe Henry David Thoreau - lien externe.
Pauvreté volontaire, simplicité, frugalité, décroissance
Les multiples discours sociaux revendiquant une modération de la production et de la consommation qui se sont succédé depuis le XVIIIe siècle n’ont pas toujours utilisé le terme de sobriété. Parfois, d’autres termes traduisant le principe d’autolimitation volontaire et de suffisance ont été utilisés : « pauvreté volontaire », « simplicité volontaire », « frugalité » ou « décroissance ». Ces discours ont contesté l’objectif de croissance (produire et consommer toujours plus) avec des arguments écologiques, politiques, moraux et mathématiques. Ils ont non seulement critiqué cette orientation productiviste de la société moderne, mais ont également proposé des alternatives sociotechniques : produire localement avec des technologies simples et des énergies renouvelables, respecter les cycles de recyclage de la matière, etc.
Un changement durable chez les individus
Au XXIe siècle, juste avant son institutionnalisation, la notion de sobriété énergétique était utilisée pour désigner des stratégies et choix de réduction de la consommation matérielle et énergétique en vue de l’adaptation des modes de vie aux limites planétaires. Elle nommait ainsi un processus réflexif, réalisé individuellement et/ou collectivement, consistant à interroger les besoins et à réévaluer les consommations selon un critère énergétique et environnemental, et pas seulement économique.
Quoi au bout de la spirale de descente énergétique ?
Les démarches de sobriété énergétique peuvent être portées collectivement, mais elles relèvent, d’abord, d’un engagement et d’un questionnement individuel. Pour une bonne partie des personnes engagées dans la sobriété énergétique, l’objectif vise à réduire les coûts environnementaux liés aux modes de vie ; cette réduction a des effets sur la manière de satisfaire les besoins concernant le logement (construire et bricoler son habitat), l’alimentation (produire sa nourriture ou la glaner), l’équipement (fabriquer, récupérer et réparer des objets, vêtements et outils), l’énergie et les ressources (produire son énergie et collecter son eau, traiter et transformer ses déchets).
« Faire soi-même » apparaît comme la meilleure façon de contrôler les conditions et les conséquences de son mode de vie. Consommer autrement amène ainsi à travailler autrement et vice-versa, dans une spirale par laquelle le sujet gagne en autonomie : il acquiert des connaissances qui lui permettent de se passer du marché de biens, de services et du travail.
On le comprend, ces différents enjeux associés à la définition de la sobriété énergétique défendue ici (en récupérant et en élaborant des connaissances pour s’émanciper du marché capitaliste et de sa culture consumériste), diffèrent significativement de ceux associés à la notion désormais institutionnalisée.