Revue de littérature #30

La société des communs - les livrets

La société des communs, collectif d’élus, chercheurs, militants associatifs, entrepreneurs et agents publics engagés pour une transformation publique et sociétale par les communs, publie ses premiers livrets proposant des conditions de mise en oeuvre des communs.

Voici les 3 livrets et les mesures phares proposées : 

Livret 01. VERS UN ENTREPRENEURIAT EN COMMUN: DÉMOCRATIQUE, ÉCOLOGIQUE ET SOCIAL

  1. Faire de l’entrepreneuriat d’intérêt collectif le modèle de l’économie de demain  
  2. Passer de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) à une Responsabilité d’Entretenir les Communs (REC)  
  3. Instaurer un système de comptabilité prenant en compte les enjeux écologiques et sociaux 

Livret 02. REGAGNER NOTRE SOUVERAINETÉ TECHNOLOGIQUE PAR LES COMMUNS NUMÉRIQUES

  1. Lancer un grand plan de développement industriel dans l’économie numérique ouverte contributive et coopérative
  2. Coproduire l’action publique numérique
  3. Redonner aux citoyens le contrôle sur les infrastructures physiques du monde numérique 

Livret 03. OUVRIR LA GOUVERNANCE ET LA PRODUCTION DES SERVICES PUBLICS AUX CITOYENS

  1. Vers une administration partagée des biens et infrastructures collectives 
  2. Reconnaître et favoriser les actions collectives d’intérêt général 
  3. Renforcer la capacité des citoyens à contribuer aux communs 

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Communs numériques et logiciels libres dans la stratégie de l’Education nationale

ZD Net - Article rédigé par Thierry Noisette pour L'esprit libre - Lundi 30 Janvier 2023

Le ministre de l’Education nationale, Pap Ndiaye, a présenté le 27 janvier la «stratégie numérique pour l'éducation 2023-2027», qui «repose sur une série de mesures pour renforcer les compétences numériques des élèves et accélérer l’usage des outils numériques pour la réussite des élèves». 

Dans ce document d’une quarantaine de pages, il est indiqué que «l’enjeu du développement des compétences numériques est double. Il doit permettre en effet:

• de transmettre à chaque élève un niveau de compétences numériques solide, lui garantissant une aisance numérique indispensable pour la compréhension du monde et la bonne insertion professionnelle tout au long de la vie;

• de former, pour ceux qui le souhaitent et avec la recherche permanente de la parité filles-garçons, des experts susceptibles de se tourner vers les études puis les métiers numériques, dans l’objectif de former 400.000 à 500.000 professionnels du numérique supplémentaires d’ici à 2027.»

Page 24, on peut lire: «En matière d’outils et de ressources pédagogiques, les enseignants doivent pouvoir à la fois s’appuyer sur des outils souverains, sécurisés, libres et communautaires, c’est-à-dire des "communs numériques", leur permettant de co-construire et partager entre pairs leurs productions, mais aussi tirer parti de nouvelles générations d’outils et de ressources numériques éducatives permettant de personnaliser les enseignements, différencier les apprentissages et les parcours, grâce notamment à l’intelligence artificielle, à l’immersion, etc.»

BigBlueButton, Moodle, deux logiciels libres

Et dans une section intitulée «Soutenir le développement des communs numériques» : «Le terme "communs numériques" désigne un ensemble de ressources numériques produites et gérées par une communauté. Par nature, ils sont partagés et collectifs.

Le ministère de l’éducation nationale propose aux professeurs plusieurs outils qui peuvent, pour certains d’entre eux, être utilisés avec leurs élèves. La plateforme de services "apps education.fr" leur fournit ainsi des outils de collaboration ou de communication, comme "classes virtuelles" et "visio-agents", fondés tous deux sur le logiciel libre BigBlueButton, ou encore des outils permettant le partage de fichiers ou la publication de vidéos hébergées sur des infrastructures françaises conformément à la stratégie de souveraineté numérique du Gouvernement.

De même, la plateforme "Éléa", fondée sur le logiciel libre Moodle, permet aux professeurs de créer et partager des ressources éducatives libres et des parcours pédagogiques numériques scénarisés à destination de leurs élèves.» «Par ailleurs, les communautés d’enseignants (et d’autres acteurs de l’éducation) peuvent également être des lieux de construction de nouveaux outils. Des professeurs, notamment de NSI ou de SNT, sont en attente d’une "forge" qui leur permettrait de collaborer entre pairs et de partager du code informatique. Le ministère répond à ce besoin avec la mise à disposition d’une forge technologiquement souveraine et mutualisée à l’échelle nationale.»

Or cette forge existe à présent en version bêta, à l’initiative d’Alexis Kauffmann qui pilote le projet (ainsi que la Journée du Libre éducatif, dont la deuxième édition aura lieu à Rennes le 7 avril, après Lyon en 2022, autre projet concret impulsé par le fondateur de Framasoft depuis son arrivée à la direction du numérique du ministère de l'Education nationale.

Cette forge est à l'adresse https://forge.aeif.fr/. - lien externe Il s'agit d'une instance #GitLab pour le moment hébergée chez Clevercloud et animée par l’Association des enseignantes et enseignants d'informatique de France (AEIF). Dans sa présentation, Alexis Kauffmann explique: «C'est la première fois qu'un tel projet voit le jour à l'Éducation nationale, projet qui ne correspond pas aux circuits classiques de productions de ressources pédagogiques (par appel à projets, marchés publics...). Si la mayonnaise prend, nous montrerons que les professeurs sont de formidables créateurs et partageurs de communs numériques tout en permettant au reste de la communauté d'en profiter.»

"Outils libres et souverains"

La stratégie 2023-2027 marque aussi, p. 20 (à propos de l'école élémentaire): «Cela prend la forme d’apprentissage et de mise en œuvre d’outils numériques fondamentaux – outils bureautiques et collaboratifs, outils éducatifs – au moyen d’actions éducatives régulières et dédiées dans les programmes et dans le temps scolaire, en s’appuyant sur des outils libres et souverains quand ils existent.»

Et p. 37: «Les opportunités d’innover sont très diverses: le développement du numérique responsable, avec une mise en cohérence avec les objectifs de développement durable (ODD), ou encore à travers la priorité donnée aux logiciels libres.»  

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Solutions solidaires: tribune Pour une Sécurité sociale de l’alimentation

Tribune Libération par Jean-Luc Gleyze,, président du Département de la Gironde et Pierre Hurmic, maire de Bordeaux, publiée le 31 janvier 2023.

Comment harmoniser les politiques écologiques et sociales ? Comment remettre la société dans une dynamique de progrès et de justice ? Quelques extraits de la tribune : 

En France, les femmes, hommes, étudiants et enfants ayant recours à l’aide alimentaire sont toujours plus nombreux. La pandémie a mis en lumière cette précarité alimentaire criante à ceux qui feignaient encore de l’ignorer. Dans ce contexte, comment ne pas penser à l’ordonnance du 4 octobre 1945 qui institue la Sécurité sociale comme «garantie donnée à chacun qu’en toutes circonstances il disposera des moyens nécessaires pour assurer sa subsistance et celle de sa famille dans des conditions décentes».

Comment ne pas y voir aujourd’hui l’appel à instituer une véritable démocratie alimentaire grâce à une Sécurité sociale de l’alimentation ?

Son principe : intégrer l’alimentation dans le régime général de la Sécurité sociale, grâce à une carte vitale de l’alimentation qui donnera accès à des produits conventionnés pour un montant déterminé, par mois et par personne. Les critères de conventionnement des produits se décideront démocratiquement avec les citoyens au sein de caisses locales, où chacun cotisera selon ses moyens et recevra selon ses besoins. C’est une voie pour dépasser les biais d’une aide alimentaire nécessaire mais dont nous ne pouvons nous satisfaire, car elle contraint les plus pauvres à manger les rebuts alimentaires des plus aisés et les surplus des industries agroalimentaires. Or, la dignité humaine ne saurait être effective tant que des Françaises et des Français devront se rationner, sauter des repas ou négliger la qualité de leur alimentation faute de moyens. Par ailleurs, le système alimentaire agro-industriel est partie prenante du dérèglement global : mis en cause dans les bouleversements climatiques, il l’est tout autant dans la précarité de nos paysans en favorisant les grands producteurs et propriétaires agricoles, au détriment d’une pratique paysanne.  

La Sécurité sociale de l'alimentation est donc aussi l'occasion de réfléchir à l'articulation de l'initiative locale avec des revendications plus générales : celles des conditions de travail, de production, de consommation, et même de la démocratie. Derrière l'enjeu de faire de l'alimentation durable un droit pour tous et non le privilège d'une minorité, il y a la volonté de sortir de la logique du profit pour s'orienter vers une vie bonne et digne.

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Collectif Acclimat'action - lien externe

Travailler plus pour consommer plus : les effets pervers de la publicité

Novethic - Article de Concepcion Alvarez - publié le 29 janvier 2023

Un rapport de l’association Communication et démocratie - lien externe et de l’Institut Veblen, - lien externe s’appuyant sur une étude universitaire, montre les impacts économiques très concrets des dépenses de publicité en France. Celles-ci ont conduit à une hausse de la consommation mais aussi à une hausse des heures travaillées pour pouvoir y faire face. Les auteurs appellent à taxer davantage les gros annonceurs, mais aussi à interdire la publicité aux produits à très forte empreinte carbone, et à réformer la régulation du secteur.

Jusqu’ici, l’impact des dépenses de publicité sur la consommation était, au mieux, vaguement pressenti, au pire ignoré. Les impacts économiques très concrets des dépenses de communication commerciale en France, s’élèvent à environ 30 milliards d’euros en moyenne par an depuis 2003, soit l'équivalent des investissements en recherche et développement. Selon ces travaux, le niveau de communication commerciale a conduit à une augmentation cumulée de la consommation de 5,3 % entre 1992 et 2019.

"Longtemps, il n’y a pas eu de débat parce qu’on considérait la publicité comme simplement informative, ayant pour seul effet une répartition des parts de marché entre les annonceurs, analyse Mathilde Dupré, économiste, codirectrice de l’Institut Veblen et co-auteure du rapport. Mais plusieurs études ont révélé sa fonction persuasive. La hausse de 5% peut paraître faible mais comme nous sommes sur des agrégats très importants, c’est en réalité assez significatif".  

Obsolescence marketing ou psychologique

Elle met en avant le concept "d’obsolescence marketing ou psychologique" pratiquée par les annonceurs en augmentant le sentiment d’insatisfaction des particuliers par rapport à leur niveau actuel de consommation. Selon l’Ademe, par exemple, 88 % des téléphones sont remplacés alors qu’ils fonctionnent encore en France. Cette consommation additionnelle a un coût pour le consommateur.

Sur la période 1992-2019, les activités de communication commerciale sont ainsi à l’origine d’une augmentation du nombre total d’heures travaillées d’environ 6,6%. "Ce n’est pas un modèle qui fait rêver car cette augmentation du temps de travail pour assouvir la hausse de la consommation se fait au détriment du temps de loisir mais aussi de la planète", résume Mathilde Dupré.

Les dépenses de publicité se concentrent en effet sur un nombre restreint de produits généralement très carbonés ou néfastes pour l’environnement comme les SUV, les voyages en avion, les fast-foods …

Une taxe à 8% pour les plus gros annonceurs

Dès lors, la régulation de la publicité apparaît comme un levier indispensable dans la lutte contre le changement climatique. Cela a d’ailleurs été mentionné par le Giec (groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat), dans son rapport d’avril 2022. Il évoquait explicitement le rôle de la publicité dans les dynamiques de consommation et recommandait sa régulation.

La loi Climat et résilience de 2021, issue des propositions de la Convention citoyenne pour le climat qui avait largement contribué à mettre le sujet en haut de l’agenda, prévoit certaines mesures. Parmi les décisions les plus symboliques, il y a l’interdiction depuis le 1er juillet de communiquer sur les énergies fossiles (essence, fioul, charbon) avec une exemption pour le gaz, le pouvoir octroyé au maire d’encadrer les écrans publicitaires dans les vitrines ou encore le "Oui pub" affiché sur les boîtes aux lettres qui se substitue au "Stop pub" pour contrer les prospectus publicitaires.

D’ici 2028, toute publicité sera aussi interdite sur les véhicules les plus polluants. Mais pour Mathilde Dupré, il s’agit d’accélérer, notamment dans le cadre de la planification écologique. Elle propose notamment la mise en place d’une taxe à 8 % sur les dépenses publicitaires des grands annonceurs. Les secteurs particulièrement bénéfiques à la transition écologique, tels que le réemploi, le bio ou les énergies renouvelables, en seraient exemptés. Elle recommande aussi d’interdire la publicité aux produits à très forte empreinte carbone, au même titre que les cigarettes. Et enfin, la mise en place d’une autorité indépendante de régulation de la publicité, aujourd'hui assurée par des organismes contrôlés par la profession elle-même. 

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Livres - Le soin des choses : rendre possible la routine

Socialter - Par Philippe Vion-Dury , publié le 25 janvier 2023

Découvrez la recension de « Le soin des choses. Politiques de la maintenance », de Jérôme Denis et David Pontille aux éditions La Découverte.

C’est à une activité « sans grande noblesse » que Jérôme Denis et David Pontille ont décidé d’accorder leur attention : la maintenance, cet « art de faire durer les choses ». Les deux auteurs regrettent que, alors que les cris à retrouver notre sensibilité et liens aux autres vivants se multiplient, il n’y ait pas grand monde pour s’insurger contre l’invisibilisation de ceux qui prennent soin des choses que nous avons édifiées. Pourtant, les poubelles sont sorties, les rues propres, les transports fonctionnent, l’eau coule du robinet… Il nous faut généralement la survenance de la panne pour nous rendre compte de tout ce qu’un système « maintenu », entretenu, nous amenait de confort et de tranquillité… Et là encore, avec la panne, notre imaginaire de la durabilité s’enferme sur la réparation. « Rien ne se passe.

Voilà un élément clef de ce qui sépare maintenance et réparation. » « Le travail de maintenance est sans fin. Il ne fait jamais événement, il ne s’organise pas autour d’une disjonction entre deux états du monde, il se déploie dans les interstices des jours et des nuits, où rien ne semble se passer. Il n’est pas l’exception à la routine, l’écart à la trajectoire linéaire du monde, mais ce qui est continuellement effectué afin que la routine et la linéarité soient possibles. » Les deux sociologues nous offrent dans cette enquête souterraine un aperçu élégant quoique académique de ce que pourrait être une politisation de la maintenance – et de ceux qui prennent en charge cette « pulsation quotidienne ».

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Le soin des choses. Politiques de la maintenance - lien externe