Article de Zdnet, rédigé par Thierry Noisette, publié le vendredi 30 Décembre 2022.
L’Ifri - lien externe (Institut français des relations internationales) a publié une étude, «Sources d’influence. Enjeux économiques et géopolitiques des logiciels open source».
Dans son résumé, l’auteure, Alice Pannier - lien externe, chercheuse et responsable du programme Géopolitique des technologies à l’Ifri, expose : «L’open source tient une place centrale dans les logiciels: il est au fondement de briques logicielles critiques, et est devenu un élément déterminant dans les processus d’innovation des entreprises du numérique. Il est aussi une alternative attrayante aux solutions propriétaires. L’open source peut toutefois être victime de son succès et souffre d’un manque de moyens dédiés à sa maintenance. Or, les vulnérabilités dans les codes sources ouverts peuvent avoir de graves conséquences, comme l’a illustré la faille "Log4Shell" - lien externe révélée en décembre 2021. Les entreprises privées investissent financièrement et humainement au développement et au maintien de l’écosystème open source. Cependant, cette implication n’est pas sans danger pour l’écosystème open source, qui est de plus en plus modelé par les intérêts privés des Big Tech. Parallèlement, les gouvernements sont de plus en plus préoccupés par les risques de l’open source en matière de cybersécurité, du fait de vulnérabilités accidentelles, mais aussi de la manipulation des codes par des criminels et des agents étrangers.»
L’étude aborde en particulier trois cas, les Etats-Unis (focalisés sur la cybersécurité, avec une réponse axée sur les mesures préventives au sein de l’administration fédérale, et sur la coopération public-privé), la Chine (désireuse de gagner en influence et en indépendance, elle compte de plus en plus de développeurs de logiciels open source, sur GitHub et sur des plateformes chinoises), et l’Europe.
Dans notre continent, observe Alice Pannier, «la vision européenne de l’OS et les initiatives politiques en cours s’appuient sur le rôle historique des Européens dans l’open source, la notion de "communs numériques" au sein desquels s’inscrit en partie l’OS, et l’ambition d’une souveraineté numérique européenne, à laquelle l’OS contribue.»
Dans sa conclusion, l’auteure estime que «la vision européenne doit s’articuler avec les positions diplomatiques de l’UE. Il existe certainement des pistes de coopération avec les États-Unis et d’autres pays dans les domaines où convergent à la fois les priorités des États et les intérêts des communautés open source, tels que l’inventaire et la maintenance des composants OS critiques. À l’inverse, la Chine est parfois qualifiée de possible "alliée objective" de l’UE dans certains domaines de l’open source, comme les processeurs. Si la Chine partage l’objectif européen d’une plus grande autonomie face aux solutions propriétaires des Big Tech, le virage pris par le gouvernement chinois ne peut en faire un allié politique de l’ambition européenne. En revanche, il existe une réelle opportunité pour l’Europe de tendre la main à des partenaires, non seulement les États-Unis mais aussi l’Inde et le Brésil, qui pourraient adhérer à et aider à promouvoir cette vision visant à préserver les communs numériques et un internet ouvert, interopérable, respectueux des libertés et centré sur l’humain.»